[gull] linux et les ong

Anne Possoz anne.possoz at epfl.ch
Fri Feb 27 01:30:03 CET 2004


Pierre Maitre a écrit:

> Anne Possoz wrote:
> 
> > Je ne suis pas certaine que ce soit un cadeau de dire aujourd'hui
> > à une ONG de basculer sous linux. Sans vrai support continu, c'est
> > lourd et pesant. Sans volonté de ce passage, c'est même un projet
> > voué à l'échec 
> Anne
> 
> Je te trouve très défaitiste, et je ne partage pas ta vision des choses. 

Je suis loin d'être défaitiste en disant cela. J'ai bien dit aujourd'hui.
Un desktop convivial pour Linux va arriver. On s'en approche. Mais il
n'est pas encore là. Attendons un petit peu, du genre 15-20 mois.
Et pendant ce temps, apprenons les applicatifs qui nous sont utiles,
sous n'importe quel OS, mais pourvu qu'ils utilisent des formats
ouverts, qu'ils nous permettent de communiquer avec tout le monde et
d'archiver des informations qui seront encore lisibles dans de nombreuses
années.

> L'informatique (que ce soit windows, linux, ou Mac) devient simplement 
> plus compliquée avec le temps parce que les fonctionalités ont augmenté. 
> De simple machine à traitement de texte qu'il était il y a 20 ans, 
> l'ordinateur personnel est devenu une machine à tout faire, avec des tas 
> d'outils nouveaux: ethernet, wifi, ADSL, graveur DVD, memory stick, etc.
> Faut-il devenir system manager pour autant? La réponse, quel que soit 
> l'OS, c'est Oui, si on veut gérer les choses soit-même. Cependant *la 
> plupart des gens* autour de moi (sous windows ou même sous mac) ne se 
> donnent pas cette peine et font appel à des professionnels (ou des 
> amateurs avertis) pour leurs petits problèmes informatiques courants, 
> tels que installer un nouveau programme, installer l'ADSL, ou installer 
> un lecteur DVD.

S'il est vrai que l'informatique devient de plus en plus compliquée
parce qu'elle prend aussi de plus en plus de place et offre de plus en
plus de possibilités, il y a une première différence majeure.
Un PC, sauf exception obtenue après lourde insistance, vient avec
windows _pré-installé_. On met un film dvd, et il démarre le film.
On grave un cdrom par des copier/coller. Le matériel vendu tourne
sous windows. Ce n'est pas le cas sous Linux. Je me suis battue pour voir
mon premier DVD parce que mon chipset n'était pas standard (pourtant,
sous windows, le dvd se voyait sans rien faire), mon modem intégré ne
fonctionne toujours pas (je n'en ai pas besoin) alors que sous windows
il fonctionne sans rien faire. Nous connaissons toutes et tous les
raisons de cela. Il n'en reste pas moins que c'est la réalité.
Quand les vendeurs de matériel seront aussi soucieux de voir les
drivers fonctionnels pour d'autres OS que windows, un pas sera fait.

> Donc pour le pékin qui ne connait rien, Windows ou Linux ne se 
> différencient pas vraiment pour les problèmes *d'installation*: de toute 
> façon le pékin aura besoin d'aide.

Mais windows, on la d'abord sans l'installer. Ce n'est pas pour rien
qu'une large communauté est encore sous windows 98.

> Pour ce qui est de *l'utilisation*, si monsieur Tout-le-monde sait 
> utiliser Word, IE, et Outlook sur Windows, il ne sera pas dépaysé 
> d'utiliser OpenOffice, Mozilla et Mozilla-Mail  sur Linux. Une machine 
> Linux bien installée (avec autofs, nautilus et tous ces gadgets pour les 
> amoureux de la souris) est une machine conviviale. Oui madame.

Pour toi, parce que tu as trouvé du plaisir à l'apprendre. Pour des jeunes
curieux. Mais pas encore pour des personnes qui souhaitent juste utiliser
ce qu'elles connaissent pour faire un courrier, aller sur le web, voir
un film ou des photos. Mais pas faire de l'informatique.

> Donc, pourquoi Linux a-t-il de la peine à s'imposer sur le desktop: 
> parce que les gens prennent ce qui est standard. C'est un problème 
> d'environnement: si tu as un problème avec Windows sur ta machine, tu 
> trouveras sûrement quelqu'un dans ton immeuble qui puisse venir te 
> remettre les choses en place. Pas avec linux.

Le desktop sous linux a incroyablement progressé en 2 ans et sa convivialité
a largement augmenté. Mais il faut voir le nombre de personnes qui ont
tenté linux et sont retournées à windows. L'effort est plus grand, quoi
que tu en dises. Pense aussi aux stupides sites internets qui te disent
qu'il faut IE pour accéder à leurs pages. Encore une réalité.

> Dans un pays du tiers monde, le problème d'environnement est différent: 
> dans l'immeuble, il y a toutes les chances que personne ne connaisse ni 
> windows ni linux. Alors autant commencer du bon pied, avec linux.

Ce n'est pas ce que j'ai constaté lorsque j'ai essayé d'installer Linux
à Kinshasa (en 2002). Windows est déjà là.
Pourtant, j'aime ton idée de dire que c'est là où les personnes ne
connaissent encore rien à l'informatique qu'il faut commencer directement
avec Linux. Comme pour les téléphones portables. Dans tous ces pays
où les réseaux téléphoniques sont quasi-inexistants, les portables
sont pour eux une chance de faire l'impasse sur une technologie,
de combler un retard.

Mais on parlait des ONG, pas des pays du Sud. Les ONG, elles sont
largement occidentales. Et les ONG du Sud, il y a déjà longtemps
qu'elles utilisent windows ou mac. Dans son courriel, Matthias
parle effectivement de l'Afrique et de l'Inde. Mais il ne dit pas
que windows n'est pas déjà un outil connu de ces ONG.

> Quant aux logiciels libres sous Windows, je trouve la démarche très 
> sympatique et je distribue des CD de OpenOffice pour windows à tour de 
> bras. Je rencontre néanmoins de grosses difficultés à faire comprendre 
> aux gens la différence entre un logiciel libre et un freeware ou un 
> shareware.... surtout quand la plupart des programme que ces mêmes gens 
> utilisent sont des programmes piratés, et que cela leur parait la chose 
> la plus normale du monde.

Oui. Il est important de parler du bien commun. Toute personne qui
parle positivement des logiciels libres en mettant en avant la
gratuité n'agit pas en faveur du logiciel libre.

> Alors si tu vas à Abijan avec une pile de CD OpenOffice pour windows, et 
> que tu les distribues en disant que c'est des logiciels libres, parce 
> que pirater les programmes de Bill Gates c'est pas bien.... je crois 
> qu'il y aura comme un décalage culturel.

Dire de ne pas pirater, c'est anecdotique, mais pas à nous de faire la morale!
Je ne mets pas en avant ces arguments. Voir par exemple
	http://elle.epfl.ch/article.php3?id_article=51

> Les logiciels libres  pour windows sont des outils merveilleux pour 
> infiltrer nos administrations fédérales (le Tribunal Fédéral en est un 
> exemple) et cantonales, mais si on débarque avec cela dans les pays du 
> tiers monde, le combat pour les logiciels libres sera perdu d'avance.

Je suis partiellement d'accord avec toi. Mais je vois les ONG de chez
nous qui ne sont pas proches de faire le pas. Manque de force. La
communauté du libre est encore trop petite. Faisons-là grandir.
Je suis aussi toujours surprise de voir que les associations progresistes
n'arrivent pas non plus à faire le pas.

> Voila, Anne, excuse-moi de te bousculer, mais ta morosité m'a donné 
> envie de secouer le cocotier.

Je ne me sens pas bousculée. Je ne suis pas morose. Par contre, je suis
aussi révoltée de voir que nous voulons toujours dire que nous savons
à la place du Sud ce qu'il doit faire. Dire à leur place que c'est
linux qu'il leur faut, c'est un post-colonialisme auquel je ne
souscris pas.

Et tu sembles croire que les pays d'Afrique, d'Asie, n'ont pas idée de ce
qu'est l'informatique, ce que je ne crois pas la réalité. J'ai travaillé
avec une ONG du Nord de l'Afghanistan. Il y a 10 ans. Ils vivaient de
presque rien mais connaissaient déjà windows, word, excel, pour faire
les rapports de projets. Puis plus tard pour envoyer du courriel.
Et à l'époque, on ne pouvait pas leur proposer du libre.

Et si on veut vraiment promouvoir le libre dans le Sud, la seule
attitude sensée n'est-elle pas d'aller vivre là-bas, leur quotidien
(pas dans des maisons de riches avec des salaires occidentaux plus des
primes) et de chercher avec eux ce qui est le mieux sur place?

Faire l'impasse sur les ordinateurs? Passer directement aux pda sous
linux? Plus adapté au manque de place, au nomadisme...

Je souris en nous voyant reparler de ces logiciels dans 5 ou 10 ans...

					Anne




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