[gull] Microsoft, ebook et DRM

Laurent Franceschetti laurent at franceschetti.net
Fri Oct 25 10:51:58 CEST 2019


J’utilise ceux d’Amazon. 

La problématique de la perte de ce qu’on croit posséder n’est pas forcément nouvelle: elle se repropose sous une nouvelle forme. Notez qu'ici je ne donne pas de jugement de valeur, mais uniquement comment les principes "mécaniques".

Voici deux exemples: J’espère que chacun réalise que « son » argent qui est déposé sur un compte en banque n’est pas, légalement « son argent ». Cet argent est légalement devenu la propriété de la banque et il est comptabilisé dans le bilan de la banque.  Si la banque fait faillite cet argent part dans la masse en faillite et vous ne le retrouverez pas (sauf garanties des dépôts, en Suisse jusqu’à 100’000 francs).  Il y a aussi des pays où on ne peut pas acheter un terrain, mais uniquement un droit de superficie pendant 99 ans (on peut être propriétaire de la maison, mais pas du terrain; et donc après 99 ans, pouf on doit laisser la maison derrière)

La question, du point de vue juridique est de savoir dans chacun de ces cas:

si vous avez mis votre avoir dans un pot commun (vous avez mis de l’argent pour « investir » dans une banque, ou vous avez acheté un service en ligne).
ou si vous êtes devenus propriétaires d’un objet, auquel cas vous le déposez à titre fudiciaire (=> vous en restez propriétaires, tant qu’il existe).


Le problème du livre papier (jusqu’à l’invention des supports électroniques) est que sa nature était DUALE. Un livre à la fois un objet (imprimé sur du papier, avec une couverture, etc.) et le support pour une propriété intellectuelle. L’acheteur d’un livre papier pouvait se considérer comme propriétaire du support mais non du contenu. Mais comme le support était indissociable du contenu, on avait parfois tendance à l’oublier. Mais c’était clair au moment de la vente de l’objet: on vend un exemplaire d'un livre (qui a une valeur marchande), mais non les droits intellectuels qui vont avec. Avec la dématérialisation des livres, il est juridiquement impossible qu’un fichier soit « à vous », à moins que l’auteur le mette dans le domaine public, en fasse un copyleft, etc. La clé USB, ou le disque dur sont à vous, mais pas le fichier, qui est le produit d’une licence. C’est ainsi, dans la continuité de la loi sur le copyright des siècles précédents. De façon semblable, si vous achetez une clé USB avec des oeuvres littéraires dessus, la clé est peut-être à vous, mais pas les oeuvres.

Maintenant, la question que pose Microsoft avec les ebooks (ou que pourraient poser Amazon Kindle) est la durée de "l’usufruit" du livre (usufruit => droit de disposer de quelque chose qui n’est pas à vous). Lorsque vous achetiez un livre papier, il était inévitable que le propriétaire de l’exemplaire du livre avait l’usufruit du contenu, tant que l’exemplaire existait (autrement dit, l’usufruit s’éteint automatiquement au moment où le support papier disparaît). Avec un service commercial dans le cloud, l’usufruit s’arrête forcément à un autre moment: au moment où le fournisseur disparaît ou cesse ses services. Notez que ce fournisseur vous fournit un service d’assurance: si vous cassez votre tablette (support physique), vous allez pouvoir récupérer tous vos livres — c’est un avantage qu’aucun éditeur de livres papier ne donnera jamais. On pourrait dire qu'en échange de cette assurance, vous renoncez à la perpétuité du service.

Enfin est-ce qu’il existe des alternatives au service commercial d’ebooks? Bien sûr! En premier lieu des bibliothèques d’oeuvres librement téléchargeables (sans DRM etc.). On pourrait aussi imaginer qu’un fournisseur comme Amazon vous garantisse (volontairement ou parce qu’il y est forcé par le législateur) un droit de 99 ans, par exemple. Mais dans l’état des choses, il est douteux qu’ils mettent en ligne des oeuvres d’auteurs sans un mécanisme de rémunération.

La question est simple: si on veut des nouveaux livres sur le marché (fiction, etc.), il faut payer le temps que les gens passent à écrire le livre. Sinon on n’aura plus d’écrivains professionnels. Le meilleur moyen qui a été trouvé actuellement est le service « à la Amazon Kindle », avec ses avantages (garantie de l’usufruit du livre même en cas de destruction de tous les supports matériels), et ses inconvénients (pas de garantie de perpétuité). Il permet notamment à des jeunes auteurs de fiction de gagner un peu d’argent et de se faire un nom, sans se faire escroquer par les éditeurs de livre papier (qui paient rarement un seul centime aux auteurs, sauf à une très petite minorité de privilégiés qui vendent des centaines de milliers de copies).

Si on veut une alternative au système d'Amazon, il faudra répondre à cette question clé: comment payer le travail de jeunes auteurs de fiction ou non-fiction, pourqu’ils puissent se faire une place dans un monde où les places sont trustées par une minorité de privilégiés?

Bonne journée,
Laurent




> Le 25 oct. 2019 à 09:31, felix <felix at f-hauri.ch> a écrit :
> 
> Salut la liste,
> 
> Est-ce que quelqu'un parmi vous connait quelqu'un qui utilise les ebook?
> 
>  https://duckduckgo.com/?q=microsoft+ebook+drm&t=h_&ia=web
> 
> Je n'avais pas vu passer ça!
> 
> -- 
> Félix Hauri  -  <felix at f-hauri.ch>  -  http://www.f-hauri.ch
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