[gull] Microsoft, ebook et DRM

Laurent Franceschetti laurent at franceschetti.net
Sat Oct 26 10:55:50 CEST 2019


Salut, 

Effectivement la distinction n’est pas fodnamentale entre licence et objet physique, dans le sens que c’est fondamentalement la donnée qui est protégée, pas le support.

Dès lors que le législateur introduit des lois sur la copie du support on crée forcément un labyrinthe, qui est fragile et peut devenir insoluble. Les lois sur les supports CD/DVD ont vite fini à l’eau puisque la technologie avait changé. Le système de la mystérieuse licence ProLitteris que les entreprises doivent payer pour les photocopies en Suisse est un « machin »: je n’ai jamais réussi à savoir à qui allait l’argent.

Faire une loi qui interdit la réparation ou la copie d’un objet physique est autre chose: on touche plutôt au droit de brevet. A nouveau c’est fragile, et le législateur va décidément dans le sens du consommateur ces derniers jours dans un souci de préservation de l’environnement.

Tout ça pour dire que les législateurs et les avocats sont bien gentils mais qu’ils ne peuvent pas légiférer sur les lois de la nature: la nature exerce ses droits et lorsque le législateur va contre la nature ou le bon sens, la loi tombe à l’eau. Cela veut dire que dès que l’Etat fait une loi qu’il ne peut pas imposer, il a 2 possibilités: soit il met un flic derrière chaque personne (mais comme chaque flic est une personne, etc.); soit il change la loi.

Le système « à la Itunes » ou « à la Amazon » n’est pas du tout parfait, et il n’est pas dit qu’il sera là dans quelques années. Le problème est que c’est le « moins mauvais » que nous connaissions, dans le sens qu’il fait plus ou moins une balance des intérêts entre producteurs de contenu et consommateurs. Soit dit en passant, le système du livre papier dans les pays francophones est 10 fois pire qu'Amazon, avec la plupart des auteurs se faisant en pratique confisquer leurs droits de rémunération en échange de pas grand chose (lorsqu’un éditeur demande à l’auteur d’acheter un certain nombre de livres, coïncidence, ce qu’il paie c'est le coût de l’impression de toute la série des exemplaires papier; et après l’éditeur est souvent comme les grenouilles: il pond ses exemplaires de livres et les laisse mourrir!).  Ma recommandation pour tout nouvel auteur est de ne pas aller voir les éditeurs de livres, mais de s’auto-publier sur Amazon ou sur une autre plateforme en ligne! C’est moins de soucis et si ça se trouve, ça générera plus de lecteurs.

Tout ce qu’on peut dire pour le moment, c’est que ce serait bien qu’il y ait des alternatives à Amazon pour les livres auto-publiés vendus soit a) en téléchargemnt (liseuse) b) en impression papier à la demande.

Ce qui serait éventuellement bien, c’est que Amazon permette de convertir un livre Kindle en livre papier, moyennant un prix raisonnable d’impression et d’envoi.

Cordialement
Laurent






> Le 26 oct. 2019 à 10:25, Marc SCHAEFER <schaefer at alphanet.ch> a écrit :
> 
> Salut,
> 
> la distinction entre licence d'utilisation et objet physique
> est intéressante. Elle ne semble pas être si fondamentale:
> un média physique (Blueray) avec DRM ou un fichier avec
> DRM a les mêmes problèmes à terme (voir exemple ci-dessous).
> 
> Toutefois, quelque soit le type (physique, fichier, fichier avec DRM),
> le droit à la copie privée s'applique à mon sens [1].
> 
> La justification au droit de copier les oeuvres pour des personnes
> étroitement liées est que nous payons pour cela (taxes diverses,
> notamment sur les médias). De mémoire, nous versons de l'ordre
> de 250 M CHF par an à la Suisa, ce qui fait que la Suisse
> est un des pays où ce système fonctionne le mieux.
> 
> Intéressant est de constater qu'avec une licence d'utilisation
> limitée dans le temps (ou limitée par la force des choses
> à cause des DRM et de la durée de vie courte de certains
> modèles économiques d'entreprise, comme l'exemple du
> cloud Microsoft cité), on paie plusieurs fois:
> 
>   - on paie l'achat de la licence d'utilisation de l'oeuvre
>   - on paie le média via les taxes de la copie privée
>     (sans pouvoir bénéficier des droits afférents)
>   - on doit repayer la licence ensuite en cas de faillite
>     ou de problème technique DRM
> 
> De plus, si des DRM s'appliquent et modifient une licence
> d'utilisation classique en une licence limitée dans le temps
> sans que l'acheteur n'en ait été informé clairement
> avec ce temps non connu à l'avance, j'ai un doute que cela
> soit compatible avec la loi. Rappelons que les clauses abusives
> d'un contrat peuvent être annulées (en particulier celles qui
> violent la loi).  On croit souvent naïvement que `nul n'est
> censé ignorer la loi': un contrat n'est pas `la loi', et
> des clauses très surprenantes de contrats peuvent être combattues;
> la loi elle même ne peut invoquer cet argument que si elle n'est
> pas surprenante (Jacques Barillon, Justice Vrai ou Faux, 
> EAN-13 9782832102626, exemple d'une loi avec les mêmes conséquences
> mais dont le critère d'application varie entre deux cantons sur le
> poids des chiens devant mettre une muselière).
> 
> Notons que la présence de DRM fait vraisemblablement s'appliquer
> l'article qui interdit le contournement de mesures techniques
> de protection [2]. Il serait intéressant de savoir ce qu'en
> penserait la justice si une oeuvre vendue à titre d'une
> licence d'utilisation classique devait devenir inaccessible
> par la suite, en raison de DRM et/ou de faillite d'entreprise,
> fin d'activité: pensons aux lecteurs Blueray dont l'autorisation
> de déchiffrer les médias peut être révoquée[3] (procédé Broadcast
> Encryption); c'est d'ailleurs encore pire avec les lecteurs
> connectés. Les frais résultants pour l'utilisateur pourraient
> être sensiblement plus élevés que l'achat d'un nouveau média.
> 
> Toutefois l'alinea 4 de [2] pourrait être interprété comme
> une solution possible, le droit de contourner les mesures
> si c'est pour une utilisation légitime (ce qui ne garantit
> pas la faisabilité, toutefois).
> 
> PS: je ne suis pas avocat et je n'ai pas souvenir de si
>    ces clauses ont déjà été testées par le TF dans des
>    cas spécifiques.
> 
> [1] https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19920251/index.html#a19
> [2] https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19920251/index.html#id-3a
> [3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Media_Key_Block#Vuln%C3%A9rabilit%C3%A9s_et_inconv%C3%A9nients
> _______________________________________________
> gull mailing list
> gull at forum.linux-gull.ch
> https://forum.linux-gull.ch/mailman/listinfo/gull
> 



More information about the gull mailing list